Le Nouveau Testament est-il antisémite?

In by Steve Herzig

Le manager de baseball Dusty Baker a enflammé une polémique l’an dernier en disant que les joueurs de baseball d’origine latine ou africaine « travaillent mieux sous le soleil » que les joueurs blancs.

Leur couleur « leur permet de mieux supporter la chaleur que ceux qui ont le teint plus clair », a dit Baker, qui est noir. « C’est la raison pour laquelle mes ancêtres ont été amenés ici, pour la chaleur. »

La réaction n’a pas tardé. Les éditeurs de journaux et les animateurs radio ont dit haut et fort que si c’était un blanc qui avait tenu ces propos, il aurait été licencié sur-le-champ.

Surpris par la critique, Baker s’est dit en désaccord avec ceux qui considéraient comme racistes ses commentaires, estimant que les Italiens peuvent parler des Italiens, tout comme les Grecs peuvent parler des Grecs.

Il a précisé aux journalistes, « Si je veux parler des Américains de culture africaine, c’est mon droit. Je peux parler des gens de ma couleur et dire des choses que vous ne pourriez pas vous permettre de dire. »

L’opinion de Baker est juste. Les mots comptent, mais ce qui compte le plus c’est celui qui les prononce. Le fait que Baker soit un Américain de souche africaine fait toute la différence.

Les personnes de souche juive comprennent probablement la position de Baker; nous qui sommes de souche juive faisons des commentaires désobligeants les uns des autres à peu près aussi souvent que le soleil se lève à l’est. Il n’est pas besoin d’aller chercher plus loin que dans la Chambre de la Knesset (congrès israélien). Ses représentants élus s’agressent verbalement les uns les autres chaque fois qu’ils sont en désaccord. Soit ils se traitent de tous les noms, soit ils se lancent des insultes ou des jurons, soit ils se crient après.

Quelqu’un d’une autre nation ne pourrait pas se permettre de faire de même sans être accusé d’être antisémite. Cependant les Juifs israéliens comprennent qu’à la Knesset, plusieurs disputes de « famille » ont lieu. Les Juifs ont depuis longtemps la réputation d’avoir des désaccords retentissants. La plupart d’entre eux sourient lorsqu’ils entendent la blague bien connue : « Lorsque vous avez deux Juifs réunis, vous avez trois opinions. »

Les ‘affronts’ des prophètes

Les Juifs se sentent libres de parler franchement les uns des autres dans d’autres domaines que la politique, même si cela implique qu’ils parlent durement. Les Écritures juives contiennent de nombreuses attaques verbales livrées par des Juifs à des Juifs. Un exemple d’épithètes utilisés dans la Bible :

cou raide – Exode 32.9; 33.3; Deutéronome 9.6, 13; Jérémie 17.23
cœur endurci – Ézéchiel 3.7
rebelle – Ézéchiel 2.3, 5-8; 3.9; Jérémie 5.23
nation pécheresse et peuple chargé d’iniquité – Ésaïe 1.4
méchants, enfants corrompus – Ésaïe 1.4
– fous, insensés, dépourvus d’intelligence – Jérémie 4.22.

 Qui a prononcé ces paroles ? Nuls autres que les prophètes juifs appelés par Dieu pour délivrer des messages de vérité et de condamnation à leurs propres frères juifs, les appelant à se repentir et à revenir au Dieu de leurs pères. Où ces paroles sont-elles inscrites? Dans la Torah et les Prophètes ; la Bible des Juifs que les non-Juifs et les Chrétiens appellent l’Ancien Testament.

De plus, la tradition juive enseigne que les Écritures sont sacrées et saintes. C’est la Parole de Dieu. Les règles qui suivent démontrent avec quel égard les Juifs tiennent ces écrits afin de s’assurer qu’ils sont manipulés avec soin :

– On ne doit rien déposer sur la Bible, ne rien mettre au dessus, car elle seule est suprême.
– Le lecteur embrasse le texte avant de le lire.
– Les rouleaux de la Torah sont recouverts de tissus très ornés et de bijoux précieux.
– Si un rouleau de la Torah tombe par terre, on doit jeûner pendant quelque temps.

On notera donc que cette littérature tant appréciée et si sacrée contient pourtant des propos très hostiles tenus entre Juifs. Cependant, personne dans la communauté juive n’a jamais qualifié ce texte de raciste, haineux, ou antisémite.

En famille

Même si la plupart des Juifs ne considèrent pas le Nouveau Testament comme étant la Parole de Dieu, celui-ci contient également des « querelles de famille ». Spécialement les quatre premiers livres (les Évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean) qui sont des témoignages de la vie et des œuvres de Jésus de Nazareth. Les écrivains relatent les débats et les désaccords passionnés, ainsi que les réactions des chefs religieux aux enseignements de ‘cet homme’ Jésus.

Jésus a utilisé un langage qui paraît hostile pour communiquer Son message à Son peuple. Cependant, Son style n’était pas différent de celui des anciens prophètes. Sa prédication ressemblait vraiment au scalpel du chirurgien, orienté habilement, précisément et rapidement à l’endroit où le besoin se fait sentir. Et, quoiqu’un scalpel est source de douleur au départ, le résultat est une meilleure santé.

De la même façon, les mots acerbes, pénétrants de Jésus ont pu être durs à entendre, mais leur vérité, lorsqu’elle était mise en pratique, produisait la santé spirituelle. Jésus a livré Son message avec la même ferveur que les prophètes qui L’ont précédé. Et quoique plusieurs personnes juives L’ont suivi, plus nombreuses ont été celles qui L’ont rejeté.

Les paroles de Jésus ont exaspéré et troublé la communauté juive depuis qu’Il les a prononcées. C’est pourquoi certains disent que Ses paroles sont antisémites et certains ont même dit qu’on devrait les supprimer.

Un théologien juif a décrit le Nouveau Testament de « traité le plus dangereusement antisémite de l’histoire », incitant « à l’oppression, à la persécution et au génocide avec une intensité et une durée incomparables dans toute l’histoire de la dégradation humaine. Sans le Nouveau Testament, le livre d’Hitler Mein Kampf n’aurait jamais pu être écrit. »1

Voilà des accusations graves. Y a-t-il des évidences dans le Nouveau Testament qui autorisent de telles critiques? Considérons les faits :

– Tous les auteurs, à part Luc, étaient Juifs.
– Jésus, au cœur du message du Nouveau Testament, était Juif.
– Ses disciples étaient tous Juifs.
– Les douze apôtres étaient Juifs.
– La première assemblée (église) était Juive.

Tout comme avec la polémique à propos de Dusty Baker, les mots sont importants ; mais l’orateur l’est plus encore. Les Évangiles rapportent des débats juifs intenses parmi les rangs des gens de ce peuple. Historiquement, l’église « chrétienne » n’a pas compris le fait que ces écrits étaient juifs, et parfois, elle les a mal utilisés. L’histoire juive est maculée de sang parce que certains ont pris des textes hors de contexte afin de justifier leur haine du peuple juif. Un site internet juif dit ceci :

« L’Église a utilisé le Nouveau Testament en tant que source faisant autorité pour décrire le peuple juif comme le symbole de l’humanité non régénérée : les Juifs deviennent l’image d’un peuple aveugle, têtu, charnel, et pervers, une déshumanisation qui a constitué les pré-requis psychologiques pour les atrocités qui ont suivi. »2

Prenons les choses en perspective

Quels sont les aspects du Nouveau Testament qui incitent à une telle polémique?

1. Les Évangiles décrivent le peuple juif avec des noms malveillants.

Jésus a décrit les pharisiens en utilisant les mots : serpents, vipères, conducteurs aveugles, insensés, sépulcres blanchis, hypocrites, pleins d’iniquité, tueurs de prophètes (Matthieu 23.13-36). Ces critiques étaient dirigées contre certaines personnes juives spécifiques, pas contre toutes. Jésus a confronté ces individus parce qu’Il a vu une dichotomie entre leurs positions en tant que conducteurs de la communauté et leur style de vie.

Son approche a été semblable à celle des prophètes de l’Ancien Testament lorsqu’ils ont confronté les prêtres et les prophètes de leur époque. Jérémie 26 en est un exemple; on voit ici un prophète juif (Jérémie) qui prêche contre les conducteurs de son peuple.

Historiquement, le peuple juif est extrêmement critique vis-à vis de ses conducteurs et, en fait, utilise un langage semblable pour les décrire. Il ne s’agit pas d’antisémitisme, mais de théologie.

2. Les Évangiles blâment les Juifs pour la mort de Jésus.

On ne peut nier le texte. Tous les Évangiles disent que les Juifs ont crié : Crucifie-le ! Mais le texte dit également que ce sont les Romains qui ont perpétré l’acte haineux (Matthieu 27.27-35). Le peuple juif n’avait pas l’autorité requise pour le faire (Jean 18.31). Cependant, les Italiens actuels ne sont jamais accusés d’être des meurtriers du Christ.

En plus, le Nouveau Testament enseigne que personne n’a pris la vie de Jésus; Il l’a offerte volontairement en tant que sacrifice expiatoire pour le péché, une fois pour toutes (Jean 10.17-18; Hébreux 10.4-10). Sa mort faisait partie du plan de Dieu. Un des versets préférés du Nouveau Testament dit ceci :

Car Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie éternelle. (Jean 3:16)

Le Nouveau Testament reconnaît donc qu’une partie du peuple juif a participé à la mort de Jésus. Mais il montre aussi clairement qu’ils n’ont pas agi seuls. Les Romains L’ont arrêté, frappé méchamment et sans merci, puis L’ont crucifié.

3. Les Évangiles attaquent le peuple juif tout entier.

C’est faux. À travers l’histoire, les antisémites ont condamné le peuple juif en tant que « meurtriers du Christ » parce qu’ils ont mal interprété les versets tels que Jean 5.18 : …les Juifs cherchaient à le faire mourir…

Malgré le fait que ceux qui persécutaient Jésus étaient Juifs, tous les Juifs ne L’ont pas persécuté. Le terme ‘ Juif ’ n’impliquait pas la race juive toute entière. Ce terme désignait un groupe bien précis à un moment particulier, et ce groupe spécifique était bien juif. En fait, plusieurs autres Juifs L’ont suivi.

Par ailleurs, Jean 4.22 dit que le salut vient des Juifs. Lorsque les Nazis ont jeté les Juifs dans les fours crématoires pendant la Deuxième Guerre Mondiale, disant que ceux-ci étaient des meurtriers du Christ, aucun d’entre eux n’a jamais cité Jean 4.22! Cependant ce verset fait autant partie du Nouveau Testament que tous les autres. Donc, le Nouveau Testament enseigne que sans le peuple juif, il n’y aurait pas de salut ou de pardon pour le péché parce c’est à travers eux seuls que Jésus, le Messie d’Israël et le Sauveur du monde, est venu.

4. Jésus a affirmé être le Messie.

Ceci est absolument vrai. En Jean 4, une femme samaritaine dit à Jésus : Je sais que le Messie doit venir, celui qu’on appelle Christ (v. 25 – le mot Christ, qui vient du Grec, veut dire la même chose que Messie – Mashiach en hébreu).

Sa réponse fut étonnante : Je le suis, moi qui te parle (v. 26). Sa réponse directe a commencé dès lors à mettre de la distance entre Lui et les Juifs, ainsi qu’entre ces derniers.

Plus loin les Écritures affirment que des divisions ont eu lieu parce que certains croyaient qu’Il était « le Prophète »; d’autres disaient, « C’est le Messie » (Jean 7.41). Il y eut donc, à cause de lui, division parmi la foule (Jean 7:43).

La question fondamentale était – et est toujours – Jésus est-Il le Messie? Est-ce être antisémite que de dire « Jésus est le Messie »? Ou encore, si quelqu’un dit que « Jésus n’est pas le Messie », est-il pour autant anti-chrétien? Évidemment, la réponse à ces questions est non.

Ceux qui croient les Évangiles croient aux paroles de Jésus. Le même Jésus qui a dit Je suis le chemin, la vérité et la vie; nul ne vient au Père que par moi (Jean 14.6) a également dit Aimez vos ennemis (Matthieu 5.44) et Il a pleuré sur Jérusalem (Matthieu 23.37-39).

Ceux qui suivent le Christ acceptent le fait que leur foi les séparera de ceux qui sont sans Christ. Mais, au lieu de prêcher la haine envers ceux qui ne sont pas chrétiens, le Nouveau Testament enseigne à leur égard l’amour, la tendresse, la compassion et la prière.

Lorsque Dusty Baker a donné son opinion sur la couleur de la peau, il s’attendait à ce que les gens prennent en considération celui qui avait parlé. Et lorsque les gens lisent les Évangiles, eux-aussi doivent prendre en considération la source de ces écrits. Un livre tellement imprégné de la culture juive ne peut pas être antisémite.

 

N O T E S
1 Eliezer Berkovitz, cité dans Howard Taylor, “Is the New Testament the Source of Antisemitism?”
2 “The Anti-Jewish New Testament” Messiah Truth Counter-Missionary Education.